1
“For example I superimpose extracts from anatomy plates on old drawings, sometimes from ten years ago, or even more, on top of which I add a more realistic drawing. But this very realistic drawing is itself disturbed by a network of lines which draws the spectator’s gaze back towards the surface of the page. Two movements then enter into play: a first one by which one enters the form virtually through an effect of depth and a second one which brings us back to the surface through this interlacing of lines. It is this to-and-fro, this circulation of the gaze, which creates distortions, confusion in the composition and the reading of my images. Each one is like a notebook that will never end. I want the spectators to be caught in the snares of its surface.”
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« Je superpose par exemple à d’anciens dessins, parfois vieux de dix ans, voire plus, des extraits de planches d’anatomie, par-dessus lesquels j’ajoute un dessin plus réaliste. Mais ce dessin très réaliste est lui-même perturbé par un réseau de lignes qui reconduit le regard du spectateur vers le plan de la page. Deux mouvements entrent alors en jeu : un premier par lequel on entre virtuellement dans la forme par un effet de profondeur et un second qui nous ramène au plan par cet entrelacs de traits. C’est ce va-et-vient, cette circulation du regard, qui crée des distorsions, du trouble dans la composition et la lecture de mes images. Chacune d’elles est comme un carnet qui ne s’arrêterait jamais. Je veux que les spectateurs soient pris dans les rets de sa surface. »

2
“In drawing I seek the muscular tension of bodies. By drawing pornographic images up close, I have the impression of practicing my scales. I like to create by working from these cold images of drawn distortions.”
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« Je cherche dans le dessin la tension musculaire des corps. En dessinant au plus près des images pornographiques, j’ai l’impression de faire mes gammes. J’aime créer à partir de ces images froides des distorsions dessinées. »

3
“The idea of mimesis, the idea of a window on a slice of reality does not bother me at all. What fascinates me is to enter into the drawing, to move about a drawn surface. While walking around it, I go from one form to another, as if I was wandering in a landscape of forms. I am sensitive to the music of drawing, to its rhythms, its semitones, its infinite combinations.”
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« L’idée de mimesis, l’idée de fenêtre sur un morceau de réalité ne me dérange absolument pas. Ce qui me passionne, c’est d’entrer dans le dessin, de me déplacer dans une surface dessinée. En m’y promenant, je passe d’une forme à une autre, comme si j’errais dans un paysage de formes. Je suis sensible à la musique du dessin, à ses rythmes, à ses demi-tons, à ses combinaisons infinies. »

4
“I can fully assume this reflection on drawing from Paul Valéry in Degas, Dance, Drawing: ‘The visible world is a perpetual stimulant: everything awakens or nourishes the instinct to appropriate the figure or the contours of the thing which the gaze constructs. Or else, the desire to more closely shape the image sketched in the mind causes one to seize the pencil, and here begins a strange game, sometimes furiously played, in which this desire, chance, memories, science and the uneven facilities which are in the hand, the idea and the instrument combine, enact exchanges whose lines, shadows, forms, appearances of beings and places, the work in a word, are more or less fortunate, more or less predicted effects… It happens that this drawing of invention intoxicates the performer of the act, becomes a frenzied action which devours itself, feeds itself, accelerates, becomes exasperated with itself, a movement of passion which hurries to its point of pleasure, towards the possession of that which one wants to see.’ ”
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« Je peux reprendre à mon compte cette pensée sur le dessin de Paul Valéry dans Degas, Danse, Dessin : “Le monde visible est un excitant perpétuel : tout réveille ou nourrit l’instinct de s’approprier la figure ou le modelé de la chose que construit le regard. Ou bien, le désir de former de plus près l’image ébauchée dans l’esprit fait saisir le crayon, et voici s’engager une étrange partie parfois furieusement menée, dans laquelle ce désir, le hasard, les souvenirs, la science et les inégales facilités qui sont dans la main, l’idée et l’instrument se combinent, font des échanges dont les traits, les ombres, les formes, les apparences d’êtres et de lieux, l’œuvre enfin, sont les effets plus ou moins heureux, plus ou moins prévus… Il arrive que ce dessin d’invention enivre l’exécutant, devienne une action forcenée qui se dévore elle-même, s’alimente, s’accélère, s’exaspère d’elle-même, un mouvement de fougue qui se hâte vers sa jouissance, vers la possession de ce qu’on veut voir.” »