Joël Person by Axelle Viannay, Interview 2017, l'Essence du trait
En savoir plus

Joël Person by Philippe Garnier, Les Cahiers Dessinés #9
Joël Person est né en 1962 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Peintre et dessinateur, il allie dans ses compositions la pureté quasi classique du trait et une intensité rare de l’expression. Il compte de nombreuses expositions personnelles et collectives en France et en Chine. Il vit à Paris.
Diplomé des Beaux-Arts de Paris.
Il se consacre d’abord au portrait avant de privilégier les thèmes du cheval et les poses érotiques.

Joël Person connaît les pièges de la virtuosité. Il cherche l’instant ou l’influx nerveux, le jaillissement du vivant vont subvertir le cadre soigné de la figuration. Saturé d’énergie, le corps du cheval lui donne, depuis vingt ans, cette expérience du débordement et de la submersion. Mais Person est aussi un dessinateur de la figure humaine. Pour déjouer sa propre technique figurative, il guette le point de rupture dans le rituel statique de la pose. Cet instant où le modèle se cabre et fuit dans un ailleurs, il le capte partout et nulle part : une contraction du front, une torsion de l’épaule, une inclinaison du visage. Person maintient l’illusion réaliste de la peinture. La vie intense de ses portraits ne naît pas d’un style expressionniste, mais, dans une tension anxieuse, elle surgit de la confrontation de l’artiste à ce « soi » de l’autre, cette soudaine prise de liberté, cette solitude a l’état brut, qui tout à coup, très brièvement, surgit entre la surface du corps et la tension du système nerveux.

A Family Affaire by Callisto Mc Nulty, November 2015
Horses have been omnipresent in Joe?l Person’s art practice since a very young age. The galloping horses that were already present in his striking 13-year-old comic book inspired by Daphne? Du Maurier’s Jamaica Inn have not ceased to follow him from L’Ecole des Beaux-Arts de Paris up to now: his latest drawing is a large format of a rearing horse entitled Dragon Horse. His fascination with horses appears as an early memory that is inscribed within a family legacy. Horses are a family affaire.
On his father’s side, the brother of his grand-mother was Paul Magne de la Croix, a horse rider and animal painter. He vividly recalls the imposing painting hung in the entrance of their family home in Brittany, and the strong impact it had on him growing up. Entitled Le Supplice de Brunehaut, which was a fashionable painting topic at the time, it depicts a horse galloping towards the viewer while dragging a naked women. The overlapping of horse figures with sensual shapes in Joe?l Person’s drawings expresses the erotic tension traditionally attached to the horse, one that already existed in his unconscious child mind. He plays with this symbolic and imaginary investment; the horse becomes a projective screen. Embodying the liminal space between desire and resistance, strength and vulnerability, heroism and fear, the figure of rearing horse - both a terrified and terrifying potency - is all about ambiguity.
Joe?l Person’s relationship to horses and the forbidden is shaped by another childhood memory: a terra-cotta sculpture of a horse from the Tang era that was given to his mother as a wedding gift by his maternal grand- father. Afraid that the little boy might break the valuable objet, his mother used to tell him: ‘if you touch him, he will bite you!’. He recalls, ‘in my eyes it wasn’t a sculpture but a living animal... Well, as a child’, suggesting that ‘the Tang horse’ might retain its mythical force even today as it stands on a shelf in his P arisian studio, framed in a plexiglass box whose role is ambiguous: is it meant to protect Joe?l or the horse?
‘The Tang horse’ symbolises his relationship to China. His maternal grand-father, who lived in Shanghai from 1919 until 1949, was a harbor pilote. His grand-parents got married at St Joseph Church in Shanghai in 1921 and had seven children there, including Joel’s mother. In 1937, his ‘granny’ - as they used to call her -, her children and Amah, the Chinese maid, went back to France and moved into ‘Ma Guitoune', a house located in the bay of Arcachon. Joel’s approach to drawing has undoubtedly been shaped by this Chinese- influenced family house filled with vases, tapestries, carpets, nineteenth century classic sanguine portraits of Chinese characters, and where he used to listen to his ‘granny’ play the Mahjong.
It is when he started working in China in the context of an artist residency organised by Liu Jian in Zhang Jia Jie in 2012, that drawing horses appeared as an evidence to him. Indeed, the strip format of his drawings, their left to right reading direction and their horse symbolism find a strong resonance in China. Under the Tang dynasty, horses - which were a powerful means of transportation in such a vast country - symbolised strength, enabling emperors to consolidate their power. Joel draws inspiration from the titles and annotations of horse portraits dating from the Tang dynasty. His most recent drawing invokes an ancient legend from the N orth of China according to which dragons fecundate mares, creating a new species: the dragon horse.

De la révolte en soi by Séverine Enjolras, Nuit blanche, 2014
J’ai rencontré Joël à travers ses dessins, à La librairie « La Musardine », il y a 4 ans, peut être un peu moins, sans doute un peu plus. Je l’ai cherché longtemps en fait à travers les dessins des autres, autour d’une idée d’un trait qui m’évoque l’obscénité que les femmes portent en elles, la chair, cette épaisseur granuleuse, l’odeur de la fourrure. Je désirais un trait qui ne se laisse pas saisir dans l’instant, qui résiste à l’interprétation. C’est par ses dessins de chevaux, ces strates superposées qui dévoilent à l’œil qui insiste des scènes érotiques que je l’ai d’abord rencontré. `
La tension est au cœur de son travail : tension des croupes, des sexes dressés qui affleurent derrière, des corps qui échappent à la norme pornographique en s’interpénétrant souvent avec ceux des chevaux. L’interpénétration donc. Un mot quasi chirurgical. Un emboîtement…Depuis toute petite, je porte en moi des questionnements sur l’identité sexuelle, ou le genre dirons nous. Je n’ai pas résolu ce « par delà mère et femme » auxquelles mes visions m’invitent. J’ai juste appris que le verbe est un corps : « dire c’est faire », comme le rappelait John Austin. Et dessiner c’est incarner ce que le mot peine à exprimer.
L’insurrection c’est d’abord la lutte que chacun d’entre nous porte en soi, lutte pour se définir soi même, tentative vaine d’inventer sa vie. Lutte aussi pour à un niveau intime faire exister et faire se rencontrer des désirs qui ne mentent pas et échappent aux cadres pré définis. Depuis mon adolescence, je ne me sens ni homme ni femme. Non seulement je ne me reconnais pas dans les rôles de genre assignés mais mes désirs me portent vers des individus que je n’aborde pas d’emblée au travers de leur identité sexuelle. Mon désir est d’abord désir de l’autre dans sa totalité, fantasme d’un être androgyne, être total qui réunit les opposés en son sein.
Pour l’insurrection Joël et moi avons travaillé sur l’idée d’un dessin qui serait direct, réaliste, débarrassé précisément des strates que Joël aime à démultiplier, chambre secrète de ses fantasmes. Ici il n’est pas question de se cacher mais d’affirmer l’objet de la révolution, le corps comme terrain d’expérimentations, de jeux, de multiplicité, et donc d’ambiguïté.
La réalité du genre est toujours « troublée » disait Judith Butler. J’ai prêté mon corps à son regard, nous avons voulu qu’éclate un être dans lequel se reconnaîtront j’espère d’autres femmes ou pourquoi pas d’autres hommes. Un corps « animus » sculptural, à la fois conquérant, puissant, libre d’assouvir ses pulsions comme il l’entend, au delà du masculin et du féminin. Ici le phallus n’est pas qu’attribut du plaisir et puissance de pénétrer, il est symbole de la désorientation sexuelle.
L’insurrection c’est aussi le rapport de force qui se joue entre l’artiste et la muse: « comment réinventer ce rapport? » Comment décloisonner les rôles? Dans cette tension entre nous, s’emparer d’un sexe d'homme c'est aussi confisquer celui de l’artiste ou détourner son désir, entrisme intime en quelque sorte. Et si finalement on abrogeait le désir de pénétrer pour atteindre cette égalité tant convoitée?

by Jérôme Guerrand-Hermès, 2008
Until the 19th century, drawing (dessin) and intention (dessein) were the same word; for Joël Person it would seem that it is still the case, updating this thought from Baudelaire, noted in his Salon of 1846: “Pure draughtsmen are philosophers and abstracters of quintessence. The colourists are epic poets.” Paradoxically, Joël Person’s work, composed of ink, pencil, charcoal and black chalk, appears very coloured — colour not being defined by an opposition to black & white (black being the meeting of all colours), but by the decomposition of light, this light with its play of shadows which is omnipresent in the artist’s body of work.
Drawing isn’t form; it is the way of seeing form.” This famous phrase from Degas is entirely in keeping with Joël Person’s method which, refusing the definitive, never freezes his subjects in an immutable form: his horses are not ideograms, but living beings in movement in time, drawn, created with an incisive, clean and rapid stroke. In time, because they are superimposed on other, older “intentions” which once again are far from being definitively fixed, play with the new arrivals. One might wonder: are these superimposed drawings purely random? Are they a constraint, an artifice which the artist has imposed upon himself? I think that these overlapping strata are rather the expression of different times, of interweaving layers of life, which the author, perhaps out of reserve or modesty, does not wish to lay bare separately.
Painting is poetry, creation, a capturing of the reality of mystery and a discovery of the mystery of reality. Reality is complex, made up of contradictions and successive and diverse truths; it reveals itself only little by little, it must be penetrated. No need for an introduction to discover Joël Person’s “intentions”: keen attention, fine observation and intense reflection before the works reproduced here commit us to an active collaboration of intelligence and a real sharing of emotions with the artist.

Ponctuations érotiques

Jusqu’au XIXe siècle, dessin et dessein étaient le même mot ; pour Joël Person il semble que ce soit toujours le cas, actualisant cette pensée de Baudelaire notée dans son Salon de 1846 : « Les purs dessinateurs sont des philosophes et abstracteurs de quintessences. Les coloristes sont des poètes épiques. » Paradoxalement, l’œuvre de Joël Person, composée d’encre, de crayon, de fusain, de pierre noire, paraît très colorée – la couleur ne se définissant pas par une opposition au noir & blanc (le noir étant la réunion de toutes les couleurs), mais par la décomposition de la lumière, lumière omniprésente avec ses jeux d’ombres dans le corpus de l’artiste.
« Le dessin n’est pas la forme ; il est la manière de voir la forme. » Cette phrase célèbre de Degas est tout à fait « conforme » à la démarche de Joël Person qui, refusant le définitif, ne fige jamais ses sujets dans une forme immuable : ses chevaux ne sont pas des idéogrammes, mais des êtres vivants en mouvement dans le temps, dessinés, créés d’un trait incisif, net et rapide. Dans le temps, parce qu’ils se superposent à d’autres « desseins » plus anciens qui, loin là encore d’être fixés une fois pour toutes, jouent avec les nouveaux arrivés. L’on pourrait s’interroger : ces superpositions de dessins sont-elles purement aléatoires. Sont-elles une contrainte, un artifice que s’est imposé l’artiste. Je crois plutôt que ces strates enchevêtrées sont l’expression de temps différents, de tranches de vie qui s’entremêlent, et que l’auteur, peut-être par pudeur ou par modestie, ne veut pas mettre à nu séparément.
La peinture est poésie, création, saisie de la réalité du mystère et découverte du mystère de la réalité. La réalité est complexe, faite de contradictions, de vérités successives et diverses, elle ne se révèle que peu à peu, il faut la pénétrer. Nul besoin d’introduction pour découvrir les « desseins » de Joël Person : une vive attention, une fine observation et une intense réflexion devant les œuvres ici reproduites nous engagent à une active collaboration d’intelligence et un réel partage d’émotions avec l’artiste.

Joël Person…

Higher Education

1986
Diploma from the École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris (France),
First Class honours with congratulations of the examining board

Teaching Experience

From 2002
Have lectured in drawing in Prép’art, école préparatoire aux écoles supérieures d’art, Paris (France)

2004-2005
Supply teacher in drawing at the Académie équestre du château de Versailles (France)

1999-2003
Lecturer in drawing at l’Atelier Hourdé then at l’Esat, Paris (France)